Cherreads

Chapter 1 - Chapitre 1 — Partie 1 : Le Silence du Cadavre

Une douleur sourde, presque irréelle, résonnait dans l'obscurité. C'était comme si le monde entier retenait son souffle, suspendu dans un vide étrangement paisible. À travers ce néant silencieux, une conscience dérivait, brisée, fragmentée, oscillant entre existence et disparition.

Il ne se souvenait plus de son nom. Ou plutôt… il ne savait plus lequel était le bon.

Il n'y avait que la sensation de chute. Une chute interminable.

Puis un choc.

Un souffle.

Un battement.

La conscience heurta quelque chose — un mur, une barrière, une limite — et soudain, le monde se déchira autour de lui. Une lumière glaciale transperça les ténèbres. L'air emplit des poumons qui n'avaient pas respiré depuis longtemps. Des doigts tremblèrent. Des yeux s'ouvrirent.

Et la mort recula.

Yun Zhaohan inspira brutalement, comme un noyé arraché à la mer. Ses paupières s'ouvrirent sur un ciel gris, chargé de nuages plombés. Une pluie fine tombait, frappant son visage, glissant contre une peau qui n'était pas la sienne.

Il ne comprit pas immédiatement.

Il resta allongé, immobile, observant sans comprendre cet étrange tableau : la rivière aux eaux sombres qui serpentait devant lui, les collines dénudées, le vent froid qui sifflait. Son corps semblait lourd… non, faible. Vidé de toute énergie.

Puis la douleur arriva.

Violente. Foudroyante.

Comme si mille lames invisibles transperçaient simultanément sa chair.

Il crispa les dents, ses muscles se contractèrent, et un cri étouffé échappa de sa gorge. Il porta une main à sa poitrine — et réalisa que sa tunique était déchirée, brûlée à certains endroits, couverte de sang séché. La peau en dessous était marquée de cicatrices étranges, comme si une puissance colossale l'avait déchiqueté de l'intérieur.

Il inspira profondément, luttant contre la panique.

« Où… suis-je ? »

La voix était rauque, étranglée. Et pourtant, ce n'était pas la sienne.

Il cligna plusieurs fois des yeux. Des fragments de mémoire lui revenaient — mais impossible de dire lesquels appartenaient à qui. Des images se superposaient : un temple… un duel… un trône… un abîme de lumière… des plans fracturés du ciel… puis un nom, prononcé par une foule tremblante.

Maître Suprême.

Un choc le traversa.

Il se souvenait de sa mort.

C'était un souvenir net, clair, obsédant. Le moment où son cœur s'était arrêté, où son souffle s'était éteint. Il avait combattu. Il avait gagné. Puis il était tombé — non pas par la main d'un ennemi, mais par le poids insoutenable d'un destin qu'il avait tenté de défier.

Il avait senti son âme se déchirer.

Et maintenant…

Il leva lentement sa main devant ses yeux. C'était une main jeune. Trop jeune. Les doigts étaient fins, les articulations délicates. Rien à voir avec ceux d'un vieux maître ayant atteint le sommet du Dao, capable d'élever des montagnes par un geste ou de purifier un océan d'une simple pensée.

Il inspira, plus lentement cette fois.

« Je… me suis réincarné ? »

Le mot flottait entre ses lèvres. Mais même cela ne semblait pas tout à fait juste.

À cet instant précis, des bruits de pas résonnèrent.

Yun Zhaohan tourna la tête.

Sur le chemin boueux, un garçon s'approchait. Il semblait avoir une quinzaine d'années, vêtu d'une tunique simple, portant un panier rempli de plantes médicinales. Il s'arrêta net en voyant Yun Zhaohan.

Ses yeux s'écarquillèrent.

— « Toi… tu es vivant ?! »

Sa voix trembla. Il posa son panier et accourut.

Yun Zhaohan tenta de se relever mais sa force l'abandonna immédiatement. Ses bras fléchirent et il retomba au sol. Ses poumons brûlaient. Il n'avait même pas l'énergie d'un cultivateur de premier niveau.

Le garçon s'agenouilla à côté de lui.

— « Impossible… Je t'ai vu tomber de la falaise ! Tout le monde a dit que tu étais mort ! »

Yun Zhaohan le regarda, les sourcils légèrement froncés.

— « Je suis tombé ? »

— « Oui ! Il y a trois jours ! Les anciens ont dit que c'était un accident pendant ton entraînement. Tu… tu ne te souviens de rien ? »

Trois jours.

Son esprit se figea.

Il comprenait enfin. Il n'était pas seulement réincarné. Il avait pris le contrôle du corps d'un jeune cultivateur mort il y a trois jours.

Un transfert d'âme. Un phénomène aussi rare qu'effroyable.

Il ferma les yeux.

Ce corps… était faible. Mais il percevait, profondément enfoui sous la surface, quelque chose d'autre : une trace ancienne, une sensation familière, une énergie mystérieuse, presque éteinte, comme un fragment de puissance ayant survécu au massacre.

Ce corps n'était pas ordinaire.

Et il n'était pas mort par hasard.

Le garçon posa une main sur son épaule.

— « Tu es Yun Zhaohan… Yun Zhaohan du Clan Yorin. Ton père est le forgeron du village. Ta mère est partie depuis longtemps… Tu vivais seul depuis sa mort. Tout le monde dit que tu n'es pas fait pour la cultivation, mais tu essayes quand même. Tu as toujours été… un peu faible. »

Yun Zhaohan resta silencieux.

Un nom. Une identité. Une histoire. Tout cela n'était pas la sienne, mais c'était désormais sa réalité.

Le garçon hésita avant d'ajouter :

— « Je pensais… je pensais que tu étais vraiment mort. »

Yun Zhaohan tourna la tête vers la rivière, observant l'eau sombre qui coulait.

Mort. Il l'avait été.

Puis il avait trouvé ce corps.

« Un cadavre d'un jeune cultivateur insignifiant… presque sans talent… voilà ce que le destin m'offre en retour. »

Mais il sourit.

Un sourire froid. Calme. Parfaitement maîtrisé.

Car au-delà de cette faiblesse apparente, il sentait quelque chose d'autre. Une affinité rare. Une porte encore close. Une puissance qui attendait seulement d'être réveillée.

Et surtout…

Un secret profondément enfoui dans les souvenirs de ce corps. Un secret que même le jeune garçon ne connaissait pas.

Yun Zhaohan inspira profondément et demanda :

— « Comment t'appelles-tu ? »

— « Miko. Je suis ton ami d'enfance. Tu… ne te souviens vraiment de rien ? »

Yun Zhaohan baissa les yeux. Le regard qu'il posa sur sa propre main tremblante était celui d'un être revenu de l'enfer.

— « Non… mais je me souviendrai. Bientôt. »

Miko l'aida à se lever tant bien que mal, passant son bras sous son épaule. Chaque pas était une torture. La douleur irradiait à travers son corps, preuve qu'il n'avait pas seulement été victime d'un accident.

Ce corps avait été attaqué.

Et volontairement détruit.

Alors qu'ils marchaient vers le village, Yun Zhaohan posa une seule question, la voix calme, presque indifférente :

— « Miko… dis-moi. Pourquoi les anciens ont-ils dit que j'étais tombé ? »

Le garçon hésita. Il détourna le regard.

— « Parce que… tu t'entraînais près de la falaise, et… et… »

Yun Zhaohan l'observa. Ses yeux n'étaient pas ceux d'un adolescent ordinaire.

Ils étaient trop profonds. Trop calmes. Trop graves.

Comme des miroirs d'un monde que Miko ne comprendrait jamais.

— « Continue. »

Miko inspira un grand coup.

— « Parce que juste avant… tu t'étais disputé avec Renan du Clan Fuyori. Celui qui t'humilie depuis toujours. Tout le monde pense que tu es… tombé en essayant de l'éviter. »

Yun Zhaohan s'arrêta.

Son expression changea imperceptiblement, comme une ombre glissant sur son visage.

— « Renan. »

Le nom sonnait comme une provocation.

Et dans son esprit, un autre fragment de mémoire se réveilla. Un souvenir du jeune Yun Zhaohan. Un rire moqueur. Un coup de pied. Une chute dans le vide.

Il n'y avait pas eu d'accident.

Il y avait eu un meurtre.

Un meurtre maquillé. Un meurtre commis par un fils de clan privilégié. Un meurtre que personne ne punirait.

Yun Zhaohan reprit sa marche. Son visage était désormais aussi calme qu'un lac d'hiver. Miko ne remarqua rien. Mais si quelqu'un avait vu ses yeux à cet instant, il aurait senti le froid de la mort.

— « Tu as choisi le mauvais corps à tuer. »

Car il n'était plus le Yun Zhaohan faible et humilié que Renan avait précipité dans le vide.

Non.

Un Maître Suprême avait pris sa place.

Et il venait tout juste d'ouvrir les yeux.

Lorsqu'ils arrivèrent au village, la pluie s'était renforcée. Les toits de chaume dégoulinaient. Les portes claquaient sous la force du vent. Quelques habitants les regardèrent passer, la surprise se peignant sur leurs visages en voyant celui qu'ils croyaient mort.

Miko frappa à une porte. Un homme robuste, barbu, apparut.

Ses yeux s'écarquillèrent.

— « Yun Zhaohan ?! Par les cieux ! Tu… tu es vivant ?! »

L'homme, qui n'était autre que le père du jeune Yun Zhaohan, se précipita vers lui. Ses mains tremblaient. Il posa ses paumes rugueuses sur le visage de son fils, comme pour vérifier qu'il n'était pas une hallucination.

Yun Zhaohan soutint son regard sans broncher.

Cet homme l'aimait. Ça se sentait dans chaque fibre de son être.

Mais le vrai Yun Zhaohan n'était plus là. Et pourtant… d'une certaine manière, il lui devait une forme de respect.

— « Je vais bien, père. »

Le mot glissa de ses lèvres avec une facilité surprenante. Le forgeron pleura de soulagement.

Yun Zhaohan, lui, restait silencieux. Il observa la petite maison. Il observa les visages. Il observa le monde dans lequel il allait désormais vivre.

Un monde de pouvoir. De clans. D'humiliations. De destins écrasés sous le poids du talent, du rang, de la lignée.

Un monde parfait pour se reconstruire.

Et pour se venger.

Mais avant toute chose, il devait comprendre ce corps. Comprendre le fragment de puissance qui y dormait. Comprendre pourquoi quelqu'un l'avait assassiné.

Cette nuit-là, quand tout le monde dormait, Yun Zhaohan resta assis en tailleur dans la petite chambre. Il ferma les yeux. Le silence s'installa.

Puis il plongea dans son propre esprit.

Et là…

Il vit.

Un océan noir. Des chaînes. Une marque ancienne, gravée au plus profond de l'âme. Un sceau.

Un sceau vieux de plus de mille ans.

Il ne comprit pas tout de suite. Mais une chose était certaine :

Ce corps n'était pas insignifiant.

Et lui non plus.

Un rire silencieux naquit dans son esprit.

— « Le destin m'a peut-être volé ma fin… mais il m'offre un nouveau commencement. Très bien. Si c'est ainsi… alors je monterai de nouveau. »

Il ouvrit les yeux. Deux lueurs sombres s'y reflétèrent.

La nuit avançait lentement, comme si le monde hésitait à franchir le seuil du lendemain. Dans la petite chambre où Yun Zhaohan était installé, un silence presque surnaturel régnait. La maison du forgeron n'était guère plus qu'un assemblage de bois solide et de pierres rugueuses, mais dans l'ombre, elle semblait abriter quelque chose d'infiniment ancien. Ou peut-être était-ce simplement l'aura que dégageait Yun Zhaohan, assis en tailleur, immobile.

Sa respiration était lente, régulière, contrôlée. Pourtant, son esprit n'avait rien de calme. Il luttait. Contre un océan qui n'était pas le sien. Contre des souvenirs qui n'appartenaient pas à ce corps. Contre des fragments d'énergie résiduelle qui brûlaient encore comme des braises sous la cendre.

Dans son esprit, la forme du sceau réapparut. Un cercle fracturé, traversé de neuf lignes brisées, chacune pulsant faiblement comme un cœur moribond. Ce sceau… il n'en reconnaissait pas l'origine. Il ne ressemblait à aucune des techniques qu'il avait maîtrisées dans sa vie précédente, aucune des formations antiques dont il avait percé les secrets, aucune des prisons spirituelles qu'il avait déjà rencontrées.

« Mille ans… » murmura-t-il intérieurement. « Non, plus encore. Ce sceau est bien plus ancien. »

Ses doigts se crispèrent légèrement. L'aura émanant du sceau était si subtile qu'un cultivateur ordinaire n'aurait jamais pu la percevoir. Même un maître du royaume céleste aurait peut-être eu du mal à distinguer sa présence. Mais Yun Zhaohan n'était pas un cultivateur ordinaire.

Dans son ancienne vie, il avait dominé des continents entiers. Il avait étudié des arts ésotériques vieux de plusieurs ères. Il avait marché dans des royaumes où les lois du monde s'effritaient. Son âme n'était pas seulement puissante : elle était façonnée, polie, aiguisée au point de pouvoir rivaliser avec des entités que peu pouvaient nommer.

Et pourtant… Ce sceau le dépassait.

Il inspira, plongeant plus profondément dans cet océan noir. Les vagues d'énergie lui léchaient l'esprit, froides, presque hostiles. Ce n'était pas une simple barrière. C'était… une transition. Quelque chose qui liait ce corps à un autre mystère. Un passage verrouillé par une puissance trop grande pour que le jeune Yun Zhaohan ait pu même en comprendre l'existence.

Le fragment de puissance qui dormait dans ce corps… ce n'était pas un simple vestige. **C'était une relique vivante.**

Peut-être un héritage. Peut-être une malédiction. Peut-être même une partie d'un être qui ne souhaitait pas mourir.

Il plongea encore, cherchant à comprendre. Mais plus il s'approchait du centre, plus le sceau tremblait. Une vibration sourde emplit son esprit. Puis—

Un choc. Une lumière aveuglante. Un hurlement silencieux.

Il fut projeté hors de sa méditation.

Yun Zhaohan ouvrit brusquement les yeux, haletant. Sa chemise était trempée de sueur. Son cœur battait violemment. Une douleur étrange pulsait encore derrière son front, comme la morsure d'une flamme froide.

Il cligna des yeux, reprenant lentement ses repères dans la pièce sombre. Le plancher grinça sous une rafale de vent. Un souffle glacé s'infiltra sous la porte. Au loin, il entendit le son d'un chien aboyer, puis le silence retomba.

Il mit une main sur son torse. Sa respiration se calma. Mais dans ses yeux demeurait une lueur grave.

« Ce sceau… n'est pas humain. »

Il l'avait senti. Une volonté. Une présence. Comme si quelqu'un… ou quelque chose… l'observait depuis l'autre côté du sceau.

Il ne savait pas encore s'il s'agissait d'un protecteur ou d'un ennemi.

Mais une certitude naquit dans son cœur : **ce corps appartenait autrefois à quelqu'un de bien plus important que ce que le village croyait.**

Le matin arriva bien plus rapidement qu'il ne l'aurait souhaité. Les rayons du soleil filtrèrent à travers les fissures des murs, illuminant la petite chambre. Yun Zhaohan n'avait pas dormi. Il resta assis jusqu'à l'aube, méditant, testant chaque fibre de son corps, analysant chaque parcelle d'énergie.

Mais le constat était le même : Le corps qu'il habitait était faible… Mais sa constitution corporelle était incroyable. Solide. Souple. Pure.

Un paradoxe vivant.

Le jeune Yun Zhaohan avait été moqué, humilié, considéré comme un raté. Pourtant, il possédait une constitution qui, si elle avait été correctement éveillée, aurait surpassé la majorité des cultivateurs du village.

Il ne lui manquait qu'une chose : la guidance.

Et un autre élément crucial : **quelqu'un voulait qu'il meure.**

Yun Zhaohan se leva lentement, ses muscles protestant sous l'effort. Sa tunique était encore humide de la pluie de la veille. La douleur de ses blessures s'était légèrement atténuée, preuve que son âme, bien plus puissante que celle du jeune Yun Zhaohan, réparait instinctivement ce corps.

Lorsqu'il ouvrit la porte, l'odeur du métal chaud et du charbon brûlé l'accueillit. Le père du jeune Yun Zhaohan, déjà debout, martelait un morceau de fer incandes­cent sur l'enclume. Des étincelles volaient dans toutes les directions.

L'homme leva les yeux. Ses traits s'adoucirent lorsqu'il vit Yun Zhaohan.

— « Tu es éveillé, Yun ? Tu devrais encore te reposer. Tu as frôlé la mort. »

Yun Zhaohan hocha simplement la tête. Il n'était pas habitué à être appelé par ce prénom, mais il s'y adapterait. Il s'approcha de la forge, observant l'homme travailler. Chaque mouvement était précis, puissant, chargé d'une détermination silencieuse.

Le forgeron posa son marteau et essuya la sueur de son front.

— « Les anciens du village veulent te voir. Ils sont… surpris que tu sois encore en vie. Certains sont même méfiants. »

Yun Zhaohan esquissa un sourire intérieur. Naturel. Personne ne revenait d'une chute de falaise après trois jours de mort apparente.

Mais il hocha simplement la tête.

— « J'irai. »

Le forgeron sembla hésiter. Puis il posa une main lourde mais chaleureuse sur son épaule.

— « Ne t'inquiète pas. Je serai avec toi. »

Il serra légèrement son épaule. Yun Zhaohan ressentit quelque chose… étrange. Ce n'était pas une émotion qu'il connaissait. Du moins pas dans sa vie précédente, où la solitude était son seul compagnon.

Il se contenta de baisser légèrement la tête.

— « Merci… père. »

Le mot sonnait toujours étrange. Mais il ne voulait pas briser la paix fragile que cet homme avait retrouvée en voyant son fils vivant.

Ils marchèrent ensemble vers la salle des anciens, traversant le village encore en éveil. Les villageois murmuraient en les voyant passer. Certains étaient terrifiés. D'autres simplement curieux. Un enfant tira même la robe de sa mère pour lui demander pourquoi « le mort » marchait encore.

Yun Zhaohan ignora les regards. Il observait plutôt chaque détail : les chemins boueux, les maisons en bois, les bannières du clan Yorin accrochées çà et là. Ce village semblait banal… mais il était certain d'une chose :

**L'assassinat du jeune Yun Zhaohan n'était pas un accident isolé.**

La salle des anciens était un bâtiment en bois sombre, plus vaste que les autres. Deux statues de guerriers en bronze gardaient l'entrée. Lorsque Yun Zhaohan arriva, six anciens étaient déjà réunis autour d'une grande table.

Le plus âgé d'entre eux, un vieil homme aux cheveux gris, leva la main, demandant le silence. Tous les regards se tournèrent vers Yun Zhaohan.

On aurait dit qu'ils observaient une bête étrange.

L'ancien prit la parole :

— « Yun Zhaohan… tu es revenu d'entre les morts. Cela dépasse nos entendements. Approche. »

Yun Zhaohan avança calmement, son expression neutre. Il pouvait sentir la peur dans l'air, palpiter comme un cœur malade. Les anciens n'avaient pas peur pour lui. Ils avaient peur de lui.

— « Que vous est-il arrivé ? » demanda l'un d'eux.

— « Je suis tombé. » répondit Yun Zhaohan d'une voix posée.

Le silence se fit. Mais dans ses yeux… une lueur glaciale brillait.

Le vieil ancien plissa les yeux.

— « Était-ce vraiment… une chute ? »

Yun Zhaohan ne répondit pas. Mais son silence en disait long.

Un autre ancien frappa du poing sur la table.

— « Nous ne pouvons pas garder cela secret. Les clans voisins apprendront que le jeune Yun Zhaohan est revenu à la vie après être resté trois jours mort ! Cela attire le mauvais œil ! Cela attire… des calamités ! »

Une agitation nerveuse s'installa.

— « Calamité ? » dit soudain Yun Zhaohan, sa voix froide comme le givre. « Ou vérité ? »

Les anciens se figèrent.

Il continua :

— « Vous voulez me demander ce que j'ai vu avant de tomber ? Qui était là ? Pourquoi personne n'a vérifié ce qu'il s'était passé ? Pourquoi personne n'a vu Renan du Clan Fuyori quitter les lieux… juste avant que je ne chute ? »

Les anciens blêmirent.

Le père de Yun Zhaohan se retourna brusquement vers lui.

— « Renan ?! Qu'est-ce que ce garçon aurait— »

Le vieil ancien leva la main, l'arrêtant.

— « Silence. »

Il fixa Yun Zhaohan avec un regard différent. Non plus un regard de peur. Mais un regard… de prudence.

— « Nous enquêterons. »

Yun Zhaohan l'observa. Il savait que c'était un mensonge.

Les anciens avaient peur du Clan Fuyori. Ils n'auraient jamais osé les accuser. Ils préféreraient sacrifier un enfant… même ressuscité… plutôt que d'affronter un clan plus puissant qu'eux.

« Pitoyable. »

La voix intérieure de Yun Zhaohan n'avait aucune chaleur.

Il se contenta d'incliner la tête.

— « Faites comme il vous plaira. »

Il se tourna pour partir— mais au moment où il franchit la porte, le vieil ancien dit d'une voix basse :

— « Yun Zhaohan… sois prudent. Les morts ne reviennent pas sans raison. Quelqu'un… ou quelque chose… t'a ramené. »

Yun Zhaohan ne répondit pas. Mais un frisson parcourut la salle.

Car au même instant… le sceau ancien au fond de son âme palpita.

Comme s'il venait d'entendre l'appel de quelqu'un.

Ou comme si… il attendait quelque chose.

De retour à la maison, Yun Zhaohan reprit son souffle. Cette confrontation visait un objectif précis : comprendre les forces en présence. Il n'avait pas encore la moindre information sur les clans locaux, leurs relations, leurs ambitions.

Mais une chose était claire : Renan n'avait pas agi seul.

Et ce meurtre… n'était pas improvisé. C'était quelque chose de planifié. Une manœuvre. Une élimination calculée.

« Quelque chose était en ce jeune corps. Quelque chose que quelqu'un voulait garder caché. »

Il s'assit de nouveau en tailleur, fermant les yeux. Mais cette fois, il ne tenta pas d'approcher le sceau. Non. Il se concentra plutôt sur la circulation de l'énergie spirituelle dans son corps.

À son grand étonnement… le flux était chaotique. Comme si le jeune Yun Zhaohan avait tenté d'ouvrir des méridiens… sans savoir comment faire.

Mais sous ce chaos… un schéma parfait reposait. Un réseau de méridiens d'une pureté exceptionnelle. Une constitution qui, une fois éveillée, pourrait propulser quelqu'un à des niveaux jamais vus dans un village aussi insignifiant.

Il inspira profondément. Puis, d'un geste mental, il activa une technique de sa vie passée : **La Respiration Céleste du Voile Noir.**

Une technique interdite. Capable de purifier le corps et l'esprit. Capable d'ouvrir les méridiens avec une douceur infinie.

Une technique que seuls les Maîtres Suprêmes pouvaient pratiquer, car elle nécessitait une âme plus forte que le corps.

L'énergie commença à circuler. D'abord lentement. Puis plus vite. Puis de manière fluide.

Yun Zhaohan sentit ses muscles trembler. Ses veines vibrer. Son sang brûler.

Sa peau devint légèrement chaude. Puis froide. Puis brûlante.

Soudain— **BOOM.**

Une vague de puissance explosa dans la pièce. La fenêtre trembla. Le sol craqua. La poussière se souleva.

De l'extérieur, le père du jeune Yun Zhaohan sursauta.

— « Yun ?! Tout va bien ?! »

Yun Zhaohan ouvrit les yeux.

Une lueur dorée dansait dans ses pupilles.

Il venait d'atteindre le **1er niveau de la Condensation Spirituelle**… sans le moindre effort.

Non. Ce n'était pas lui. C'était ce corps.

Ce corps qui appartenait à quelqu'un d'autre. Quelqu'un dont le potentiel avait été scellé. Quelqu'un… qui n'avait jamais eu la chance de s'éveiller.

Il posa une main sur son cœur.

« Qui es-tu, exactement… jeune Yun Zhaohan ? »

Il ne put réfléchir davantage. Car soudain, quelqu'un frappa violemment à la porte.

— « Ouvre-moi ! »

La voix était rude. Moqueuse. Arrogante.

Yun Zhaohan inspira profondément.

Il connaissait déjà ce ton.

Renan.

Celui qui l'avait tué.

Il se leva, son regard calme comme un lac gelé.

Le père du jeune Yun Zhaohan ouvrit la porte, furieux.

— « Qu'est-ce que tu veux, Renan ?! »

Renan sourit. Un sourire venimeux.

— « J'ai appris que ton fils était revenu d'entre les morts. Je veux le voir. »

Il croisa les bras, défiant.

— « Je veux vérifier… si c'est vraiment lui. »

Yun Zhaohan s'avança lentement.

Son pas était silencieux. Son expression indéchiffrable.

Renan le dévisagea… puis pâlit légèrement.

Ce n'était pas le même regard que celui du Yun Zhaohan faible qu'il avait jeté dans le vide.

C'était un regard… trop profond. Trop calme. Trop froid.

Comme s'il ne regardait pas un enfant… mais un roi.

Yun Zhaohan brisa le silence :

— « Tu m'as vu tomber, n'est-ce pas ? »

Renan sursauta. Sa gorge se serra.

— « Je… je n'étais pas là. »

Un mensonge. Faible. Mauvais.

Yun Zhaohan leva légèrement la tête.

— « Alors pourquoi as-tu si peur ? »

Renan recula d'un pas.

— « Tu veux vérifier si je suis vivant ? »

Il s'approcha encore. Renan ne respirait plus.

Yun Zhaohan se pencha légèrement… et murmura :

— « Rassure-toi. Je suis bien vivant. Et je me souviens. »

Renan trembla.

Yun Zhaohan sourit. Un sourire… glacé.

— « C'est toi qui aurais dû mourir. Pas moi. »

Renan voulut répliquer, mais aucun son ne sortit de sa bouche.

Yun Zhaohan referma lentement la porte.

More Chapters