**Les 8,5 de Lucas – Seconde A**
Lucas a 15 ans.
Seconde A au lycée Jean Moulin.
Moyenne générale : 8,5/20.
Toujours entre la 25e et la 28e place sur 32.
Jamais plus haut.
Jamais vraiment dernier non plus.
Juste assez bas pour qu'on le remarque.
Pas assez bas pour qu'on l'aide vraiment.
Il est convaincu que c'est une sentence à vie.
Chaque bulletin est une preuve.
Chaque note rouge est une pierre de plus sur son avenir.
Il se répète en boucle :
« 8,5 = pas de bac.
Pas de bac = pas d'études.
Pas d'études = petit boulot mal payé.
Petit boulot = pauvre toute ma vie.
Pauvre = personne ne m'aimera.
Personne ne m'aimera = je serai seul.
Seul = je vaux rien. »
C'est pas une pensée.
C'est une certitude.
Gravée au fer rouge.
Il voit les autres.
Ceux qui ont 14, 15, 16.
Ils parlent déjà prépa, fac de médecine, ingénieur.
Eux, ils ont un futur.
Lui, il a un plafond.
Et le plafond est bas.
Le soir, il rentre.
Sa mère regarde le bulletin.
Soupir.
« Lucas… tu pourrais faire mieux si tu te concentrais. »
Son père :
« À ton âge j'avais 12 de moyenne et je bossais à l'usine l'été. Toi t'as tout et tu fais rien. »
Il monte.
Ferme la porte.
S'assoit par terre.
Il ouvre Indeed.
Cherche « sans diplôme ».
Serveur.
Manutentionnaire.
Agent d'entretien.
Salaire : 1 350 € net.
Il calcule.
Loyer.
Bouffe.
Factures.
Il restera 200 € par mois.
Pour vivre.
Pour tout.
Il imagine sa vie à 30 ans.
Studio 20 m².
Ramen tous les soirs.
Aucun voyage.
Aucune copine.
Aucun enfant.
Parce que qui voudrait d'un mec qui gagne le SMIC ?
Il pleure.
Silencieux.
Comme chaque fois.
Il a essayé.
Vraiment.
Cours du soir.
Fiches.
Révisions jusqu'à 2 h du mat'.
Mais ça rentre pas.
Ou ça rentre et ça ressort aussitôt.
Il est lent.
Il bloque sur les consignes.
Il oublie tout le jour J.
Les profs disent « manque de rigueur ».
Lui sait que c'est plus profond.
Mais personne ne l'écoute.
Il entend ses parents dans la cuisine.
« S'il continue comme ça, il finira caissier.
Ou pire.
On aura tout raté avec lui. »
Il se lève.
Va sur le balcon.
Regarde en bas.
15 étages.
Il pense :
« Si je saute, au moins ils seront tranquilles.
Au moins ils n'auront plus honte. »
Il reste là.
Longtemps.
Puis il rentre.
Il se couche.
Il pleure jusqu'à s'endormir.
**Conclusion**
Les notes ne définissent pas une vie.
Elles définissent une étape.
Un système.
Une photo à un instant T.
Lucas croit que 8,5/20 c'est une condamnation définitive.
Il ne sait pas encore que des millions de gens avec 8 de moyenne ont construit des vies belles, riches, aimées.
Qu'on peut être heureux avec 1 400 € par mois si on aime ce qu'on fait.
Qu'on peut être ingénieur avec 18 de moyenne et se sentir vide.
Que la valeur d'un humain ne se mesure pas en points sur 20.
Un jour, Lucas comprendra peut-être que le monde est plus grand que le lycée.
Que la dignité ne se note pas.
Que l'amour ne regarde pas le bulletin.
Mais ce jour-là n'est pas encore arrivé.
Pour l'instant, il est juste un ado de seconde qui pense que sa vie est déjà finie à cause d'un 8,5.
Et ça fait mal.
Terriblement mal.
Parce que des Lucas, il y en a des milliers.
Et personne ne leur dit que c'est faux.
**FIN.**
